Réf
33008
Juridiction
Cour de cassation
Pays/Ville
Maroc/Rabat
N° de décision
1/13
Date de décision
10/01/2024
N° de dossier
2021/1/3/1465 et 2023/1/3/185
Type de décision
Arrêt
Chambre
Commerciale
Mots clés
مسطرة التصفية القضائية, Cohérence juridictionnelle, Contrôle de la Cour de Cassation, Contrôle de la motivation, Défaut de motivation, Droits des créanciers, Effet immédiat de la loi, Intérêt à agir, Jonction des dossiers, Juge commissaire, Autorité de la chose jugée, Motivation de l'arrêt d'appel, Principe du contradictoire, Procédure de liquidation judiciaire, Recevabilité du pourvoi, Régularité juridique, Réouverture de la procédure, Syndic de liquidation, ضم الملفات, قبول الطعن بالنقض, Principe de non-rétroactivité, Appel incident
Base légale
Article(s) : 1 - 135 - 345 - Dahir portant loi n° 1-74-447 du 11 ramadan 1394 (28 septembre 1974) approuvant le texte du code de procédure civile
Article(s) : 2 - 669 - Loi n° 15-95 formant code de commerce promulguée par le dahir n° 1-96-83 du 15 Rabii I 1417 (1 Aout 1996)
Source
Cabinet Bassamat & Associée
La Cour de cassation a examiné la question de l’irrecevabilité du pourvoi, soulevée par la société défenderesse, dans le contexte spécifique d’une procédure de liquidation judiciaire. La société a contesté l’intérêt à agir de la banque, arguant que le préjudice était limité et que le pourvoi n’attaquait pas l’intégralité de l’arrêt. La Cour a rejeté cet argument, soulignant que l’intérêt à agir devait être apprécié au regard des enjeux de la liquidation, notamment la contestation de la régularité de la clôture de la procédure.
La Cour a ensuite ordonné la jonction des dossiers, soulignant la nécessité d’une approche cohérente dans le traitement des questions liées à la liquidation.
La Cour a également exercé un contrôle rigoureux de la motivation de l’arrêt d’appel, en particulier sur la question de la recevabilité de l’appel incident de la société. Elle a constaté que l’arrêt d’appel n’avait pas suffisamment justifié sa décision de recevoir l’appel incident, ce qui constituait un défaut de motivation au sens de l’article 345 du Code de procédure civile. Cette décision souligne l’importance de la motivation dans les procédures de liquidation, où les enjeux financiers et les conséquences pour les créanciers sont importants.
La Cour a par la suite examiné l’application de la loi n° 73.17, qui a modifié les dispositions relatives aux difficultés des entreprises. Elle a confirmé l’application immédiate de la loi n° 73.17 aux procédures en cours, conformément à l’article 2 de ladite loi. Elle clarifie le régime transitoire applicable aux liquidations en cours au moment de l’entrée en vigueur de la loi, et assure une application uniforme des nouvelles dispositions.
La Cour de cassation a, par conséquent, cassé l’arrêt d’appel en ce qui concerne le pourvoi de la banque, et a renvoyé l’affaire devant la même cour, composée d’une autre formation. La Cour a également rejeté le pourvoi formé par la société et l’a condamnée aux dépens des deux dossiers.
Sur l’irrecevabilité soulevée par la société « … » concernant le dossier n° 2021/1465 :
Attendu que la société a soutenu que le pourvoi en cassation formé par la banque porte sur l’arrêt attaqué mentionné ci-dessus, alors que cet arrêt n’a pas seulement rejeté l’appel de la banque, mais a également rejeté son propre appel (celui de la société) après l’avoir déclaré recevable en la forme, ce qui ne permet pas au demandeur de le contester dans son intégralité sans considérer qu’elle (la société) en est la partie lésée à cet égard, d’autant plus que la banque n’a subi de préjudice de l’arrêt qu’en ce qui concerne son appel, ce qui aurait dû l’obliger à limiter son pourvoi en cassation à cette partie de l’arrêt seulement, et non à l’autre. Par conséquent, la banque aurait violé la formalité substantielle tirée du défaut d’intérêt, demandant ainsi que son pourvoi en cassation soit déclaré irrecevable.
Mais attendu que l’intérêt du demandeur à se pourvoir en cassation contre l’arrêt n° 2902 dans son intégralité est justifié par son dispositif, qui a confirmé le jugement de première instance d’une part, et d’autre part, compte tenu de sa contestation de l’appel formé par la défenderesse, la société , qu’il a fondée sur le défaut d’intérêt de celle-ci à faire appel, le jugement de première instance n’ayant rien prononcé contre elle et ne lui ayant causé aucun préjudice. Cet argument a été réfuté par l’arrêt attaqué par une motivation spécifique qui a été critiquée par le demandeur dans ses moyens de cassation, ce qui maintient son intérêt à se pourvoir en cassation contre l’arrêt attaqué dans son intégralité. Par conséquent, le pourvoi en cassation remplit les conditions de sa régularité juridique et doit être déclaré recevable.
Sur la demande de jonction :
Attendu que la société a demandé la jonction du dossier n° 2021/1465 au dossier n° 2023/185.
Attendu que le mémoire de pourvoi en cassation présenté par la banque, ainsi que le mémoire de pourvoi en cassation présenté par la société , portent sur un seul arrêt d’appel définitif, à savoir l’arrêt n° 2902 rendu le 16 novembre 2020 par la Cour d’appel de commerce de Casablanca dans le dossier n° 2020/8301/523, et rendu entre les mêmes parties. Par conséquent, les motifs de la jonction sont réunis et, afin d’éviter que des décisions contradictoires ne soient rendues, il convient de faire droit à la demande de jonction du dossier 2023/1/3/185 au dossier n° 2021/1/3/1465 et de les joindre dans un seul arrêt.
Au fond :
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier et de l’arrêt attaqué que le demandeur, la banque, a déposé le 21 octobre 2019 une requête devant le tribunal de commerce de Casablanca exposant qu’il est créancier de la société, soumise à une procédure de liquidation judiciaire, pour un montant principal s’élevant à 31.626.097,67 dirhams résultant de prêts et de facilités dont elle a bénéficié, et qu’il est créancier privilégié ayant bénéficié d’un nantissement sur les machines et équipements nantis à son profit par la société. Cette dernière avait déjà déposé une requête visant l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire en tant que dirigeant de ses biens, et un jugement a été rendu par le tribunal de commerce de Casablanca le 20 décembre 2004 dans le dossier n° 04/280, faisant droit à sa demande. Dès la prononciation dudit jugement, la demanderesse a procédé à la déclaration de sa créance auprès du syndic dans le délai légal, et une ordonnance a ensuite été rendue par le juge-commissaire le 18 octobre 2006, ordonnance n° 2006/1499, constatant l’existence d’une action en justice en cours concernant la créance déclarée du demandeur à l’encontre de la société, se fondant dans les motifs de sa motivation sur le fait que le jugement de condamnation sur lequel s’appuie la banque, jugement n° 2006/1395 rendu le 25 janvier 2006 dans le dossier n° 2005/5/1937, n’est pas définitif. Cette ordonnance a été contestée par un appel de la banque demanderesse, et un arrêt d’appel a été rendu à ce sujet sous le n° 2225 par la Cour d’appel de commerce de Casablanca le 6 avril 2016 dans le dossier n° 2015/8301/5982, qui a déclaré l’appel irrecevable. Cet arrêt a ensuite fait l’objet d’un pourvoi en cassation, et l’arrêt n° 1/681 a été rendu le 25 janvier 2018 dans le dossier commercial n° 2016/3/1200, qui a cassé l’arrêt attaqué avec renvoi devant la même cour, composée d’une autre formation, pour qu’elle statue à nouveau. Ajoutant que la procédure de vérification de la créance de la société est toujours pendante après cassation devant la Cour d’appel de commerce de Casablanca dans le cadre du dossier n° 19/8301/3141. En parallèle de la déclaration de créance susmentionnée, le demandeur avait déjà déposé une requête visant la condamnation de la société à payer la somme de 3.400.000,00 dirhams, pour laquelle un jugement de condamnation a été rendu sous le n° 06/1395 le 25 janvier 2006 dans le dossier n° 2005/5/1937, condamnant le défendeur, en sa qualité de caution personnelle, à payer la somme de 3.400.000,00 dirhams avec les intérêts légaux à compter de la date de la solidarité entre la société et Ahmed résultant de son cautionnement personnel, soit le 1er février 2005, jusqu’au jour du paiement, avec contrainte par corps au minimum et les dépens, en tenant compte de la créance de la société envers la banque demanderesse, qui s’élève à 31.629.097,76 dirhams. Sur la base des dispositions du jugement susmentionné, à titre principal, et de la banque, à titre subsidiaire, un arrêt n° 07/831 a été rendu le 13 février 2007 dans le dossier n° 8/2006/1571, qui a rejeté l’appel principal, a déclaré recevable l’appel incident et a annulé le jugement de première instance en ce qu’il a rejeté la demande de constatation de la créance de la société, et a statué à nouveau en déclarant cette demande irrecevable et en confirmant le jugement pour le surplus. Ce dernier arrêt a fait l’objet d’un pourvoi en cassation qui a été rejeté. Lors de l’ouverture de la procédure de vérification des créances par le juge-commissaire, l’action en condamnation était toujours pendante et soumise à la Cour d’appel de commerce de Casablanca, et à la lumière de cela, le juge-commissaire a rendu l’ordonnance n° 2006/1499 constatant l’existence d’une action en justice en cours. Dans le cadre des efforts du syndic pour procéder à la distribution des actifs de la société, celui-ci a présenté une demande visant l’approbation du projet de distribution qu’il a élaboré, et à la lumière de cela, le juge-commissaire a rendu une ordonnance le 2 mai 2016 sous le n° 403 dans le dossier n° 2016/8304/382, qui a approuvé le projet de distribution. Cette ordonnance a été contestée par un appel de la banque et de l’administration des douanes, et l’arrêt n° 4632 a été rendu à ce sujet le 19 juillet 2016 dans le dossier n° 2016/8301/2770, qui a confirmé l’ordonnance rendue. Suite à cela, les créanciers déclarés, à l’exception de la banque demanderesse, ont été autorisés à retirer le produit de la vente conformément aux deux projets de distribution élaborés par le premier syndic, n° 403 mentionné ci-dessus, et le second, pour lequel l’ordonnance n° 1055 a été rendue le 29 juin 2017 dans le dossier n° 2017/8304/1256 et qui concerne la distribution du produit de la vente restant aux actionnaires. La banque demanderesse a expliqué que, bien que sa créance soit toujours en cours de vérification et qu’aucune décision définitive ayant acquis l’autorité de la chose jugée n’ait été rendue à son sujet, compte tenu du pourvoi en cassation formé contre l’arrêt n° 2225 rendu le 6 avril 2016 par la Cour d’appel de commerce de Casablanca dans le dossier n° 2015/8301/5982, dont la requête a été notifiée audit syndic le 23 janvier 2017, ce pourvoi ayant abouti à la cassation de l’arrêt attaqué par l’arrêt de la Cour de cassation n° 1/681 rendu le 25 décembre 2018, qui a ordonné la cassation et le renvoi, le dossier étant actuellement pendant devant la Cour d’appel de commerce de Casablanca dans le cadre du dossier n° 2019/8301/3141… ; et bien que la créance du demandeur à l’encontre de la société soit toujours en cours de vérification, le syndic, après avoir élaboré deux projets de distribution, ceux mentionnés ci-dessus, a également présenté une demande le 30 juin 2017 visant la clôture de la procédure de liquidation judiciaire à l’égard de ladite société, après avoir fourni au tribunal des informations erronées et incorrectes indiquant que le produit avait été distribué aux créanciers qui avaient déclaré leurs créances dans le délai légal et que le solde avait été distribué aux actionnaires du capital de la société. Cette demande est celle qui a été retenue par le ministère public près le tribunal de commerce de Casablanca lors de l’élaboration de ses conclusions, et a également été adoptée par le tribunal de commerce, qui a rendu le 24 juillet 2017 dans le dossier n° 2017/8323/95 son jugement n° 115 ordonnant la clôture de la procédure de liquidation judiciaire à l’égard de ladite société, jugement qui a porté atteinte aux droits du demandeur… Et qu’en vertu de l’article 669 du Code de commerce, il a demandé que la procédure de liquidation judiciaire soit rouverte à l’égard de la société, avec toutes les conséquences juridiques découlant du jugement à rendre, et que les procédures prévues par la loi soient suivies à cet égard, avec la désignation d’un juge-commissaire et d’un syndic de liquidation judiciaire, le maintien de la même date de cessation des paiements, la condamnation aux dépens à titre privilégié à prélever sur les frais de la liquidation judiciaire, et l’exécution provisoire du jugement… Après la réponse de la partie défenderesse, la production des conclusions du ministère public et l’accomplissement des procédures, un jugement a été rendu rejetant la demande. La banque demanderesse et la société « … » ont interjeté appel, et après la réponse et la production des conclusions du ministère public, la Cour d’appel de commerce a confirmé ce jugement par son arrêt attaqué en cassation.
1- Concernant le pourvoi en cassation formé par la banque :
Sur le premier moyen :
Attendu que le demandeur en cassation reproche à l’arrêt d’avoir violé les articles 1, 135 et 345 du Code de procédure civile, ainsi que le défaut de motivation tiré de l’absence de réponse à un moyen de défense essentiel soulevé régulièrement, et l’absence de fondement juridique. En effet, l’arrêt s’est limité à déclarer recevable l’appel incident formé par la société, malgré son absence d’intérêt, le jugement de première instance qu’elle a attaqué à titre incident n’ayant rien prononcé contre elle et ne lui ayant causé aucun préjudice, mais ayant seulement causé un préjudice au demandeur en rejetant sa demande. Cela rend l’appel incident formé par la société « … », quels que soient les motifs allégués par elle, irrecevable en raison de son absence de qualité pour attaquer le jugement de première instance, même par un appel incident. C’est ce que la banque demanderesse en cassation a expressément fait valoir devant la cour qui a rendu l’arrêt attaqué, dans son mémoire en réponse déposé à l’audience du 15 juin 2020, dans lequel elle a soutenu que l’appel incident formé par la société est irrecevable en raison de son absence d’intérêt, qui est la base de l’action en justice, ajoutant à cet égard que son argument d’irrecevabilité de l’appel incident s’inscrit également dans le cadre de la jurisprudence constante de la Cour de cassation, qui a toujours jugé irrecevable le pourvoi formé par un demandeur qui n’a pas d’intérêt. La banque demanderesse a cité, à titre d’exemple non limitatif, l’arrêt de la Cour de cassation rendu le 6 juin 2007, dans lequel elle a considéré que celui qui n’a pas subi de préjudice du jugement attaqué et contre lequel rien n’a été prononcé et qui n’a pas subi de préjudice de son dispositif, doit voir son recours déclaré irrecevable. Par conséquent, l’appel incident formé par la société est contraire à l’article 1er du Code de procédure civile en raison de son absence d’intérêt pour le motif susmentionné, et l’article 1er du Code de procédure civile étant d’ordre public, la cour qui a rendu l’arrêt attaqué aurait dû déclarer d’office l’appel incident irrecevable. En effet, bien que l’article 135 du Code de procédure civile dispose dans son premier alinéa que l’intimé peut former un appel incident dans tous les cas, cette autorisation du législateur est conditionnée par l’existence d’un intérêt pour l’appelant incident, conformément au caractère d’ordre public de l’article 1er susmentionné. C’est ce qu’a précisé la Cour de cassation, en confirmant que l’appel incident, conformément à l’article 135 du Code de procédure civile, est recevable dans tous les cas si l’appelant a un intérêt à l’encontre des appelants principaux (arrêt de la Cour de cassation n° 214 rendu le 23 janvier 1991 dans le dossier civil n° 84/311…). Cependant, l’arrêt attaqué en cassation, bien qu’il ait violé les articles 1er et 135 du Code de procédure civile en recevant l’appel incident de la société malgré son absence d’intérêt, et bien que la banque demanderesse en cassation ait expressément soulevé, dans son mémoire susmentionné, l’irrecevabilité de l’appel incident, s’est limité à déclarer recevable l’appel incident de la société sans répondre à l’argument d’irrecevabilité. Par conséquent, l’arrêt est entaché d’un défaut de motivation et viole ainsi l’article 345 du Code de procédure civile. De plus, sa décision de recevoir l’appel incident de la société repose sur la violation de l’article 135 du Code de procédure civile et sur la violation et la mauvaise application de l’article 1er du même code, ce qui le rend susceptible de cassation.
Attendu que la banque demanderesse en cassation a insisté, dans son mémoire en réponse déposé à l’audience du 15 juin 2020, sur l’argument soulevé dans le moyen, expliquant que l’appel de la société est irrecevable en raison du défaut d’intérêt, qui est la base de l’action en justice, car elle n’a pas subi de préjudice du jugement attaqué, rien n’a été prononcé contre elle et elle n’a pas subi de préjudice de son dispositif ». La cour qui a rendu l’arrêt attaqué a rejeté cet argument en le motivant comme suit : « … que l’appréciation de l’intérêt à former un appel incident ne dépend pas seulement du dispositif du jugement, mais s’étend également à la motivation du jugement attaqué, lorsque cette motivation, qui conduit au jugement, porte atteinte aux intérêts de l’appelante, qui a fondé les motifs de son appel sur des motifs qui n’ont pas été discutés par le jugement attaqué, et que la crainte qu’ils ne soient pas pris en compte en appel lui donne droit et la qualité pour faire appel… », sans indiquer les motifs du jugement de première instance qui portent atteinte aux intérêts de la société défenderesse, afin de permettre à cette cour d’en contrôler la régularité. Par conséquent, son arrêt est entaché d’un défaut de motivation équivalant à une absence de motivation et est susceptible de cassation.
Attendu que la bonne administration de la justice et l’intérêt des parties exigent le renvoi du dossier devant la même cour qui a rendu l’arrêt attaqué.
2- Concernant le pourvoi en cassation formé par la société dans le dossier n° 2023/1/3/185 :
Sur le moyen unique :
Attendu que la demanderesse en cassation reproche à l’arrêt de ne pas être fondé, d’être entaché de vices de motivation et de violer les dispositions de l’article 2 de la loi n° 73.17 promulguée par le dahir n° 1.18.26 du 2 chaabane 1439 (19 avril 2018), au motif que la cour qui l’a rendu a justifié le rejet de l’appel de la demanderesse en indiquant que « … au regard de la loi applicable, il ressort de l’article 2 de la loi n° 73.17 du 19 avril 2018, qui abroge et remplace le livre V de la loi n° 15.95 relative au Code de commerce, que le législateur a adopté le principe de l’application immédiate de ladite loi, en prévoyant que ses dispositions s’appliquent à compter de la date de sa publication au Bulletin officiel aux procédures en cours, ainsi qu’aux affaires non en état d’être jugées, sans qu’il soit nécessaire de renouveler les actes et les jugements rendus avant son entrée en vigueur. En d’autres termes, elle s’applique même aux situations et aux statuts juridiques constitués avant son entrée en vigueur, à condition que ces situations fassent l’objet d’une affaire pendante devant le tribunal de première instance et non en état d’être jugée au moment de l’entrée en vigueur de ladite loi. Quant aux statuts juridiques qui ont été jugés par des jugements antérieurs, ils restent inchangés et ne nécessitent aucune modification. De plus, les voies de recours contre ces jugements restent soumises à l’ancienne loi. Ainsi, le législateur a résolu la question du conflit de lois dans le temps en matière de difficultés des entreprises conformément à ce qui précède, et il n’y a donc aucune raison de soulever le principe de non-rétroactivité des lois. L’arrêt attaqué ayant appliqué la loi n° 73.17 à l’affaire, il a implicitement rejeté l’argumentation de la demanderesse en cassation, la société. En effet, étant donné que la banque a introduit son action le 21 octobre 2019, après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, cette dernière est en principe applicable à l’affaire. Toutefois, les fondements de l’action et ses bases nécessitent des précisions. En effet, la banque appelante a fondé sa demande de réouverture de la procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société sur les irrégularités, les fraudes et la collusion commises par le syndic pour induire le tribunal en erreur lors de la clôture de la procédure, au motif que la créance de la banque était toujours en cours de vérification au moment de la clôture, ce qui lui a causé un préjudice après la distribution de l’excédent des actifs de la société aux actionnaires… Et tous ces motifs sont liés à un jugement antérieur rendu sous le n° 115 le 24 juillet 2017 dans le dossier n° 2017/8323/95, qui a ordonné la clôture de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l’égard de la société avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi. Ils ne peuvent être discutés que dans le cadre des voies de recours contre ledit jugement, telles qu’elles sont prévues avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, et non dans le cadre d’une nouvelle action visant à rouvrir une ancienne procédure en raison des irrégularités constatées lors de sa clôture. On ne peut pas non plus considérer que le jugement ordonnant la clôture de la procédure a un caractère provisoire, car il a l’autorité de la chose jugée, qui ne peut être remise en cause que par les voies de recours. De plus, lorsque le législateur a prévu l’exception relative à la réouverture de la procédure, il n’a en aucun cas mentionné l’annulation de la décision ordonnant sa clôture, mais a prévu sa réouverture par une nouvelle action et par un jugement rendu sous certaines conditions, principalement liées aux actifs de l’entreprise uniquement… ». Alors que la nouvelle loi régissant les difficultés des entreprises, la loi n° 73.17, dispose au quatrième alinéa de son article 2 que « ses dispositions s’appliquent aux procédures en cours, ainsi qu’aux affaires non en état d’être jugées en première instance, sans qu’il soit nécessaire de renouveler les actes et les jugements rendus avant son entrée en vigueur… Les dispositions relatives aux délais continuent de s’appliquer lorsque leur point de départ est antérieur à l’entrée en vigueur de la présente loi. Les dispositions relatives aux voies de recours prévues par la présente loi ne s’appliquent pas aux décisions rendues avant son entrée en vigueur… Jusqu’à l’entrée en vigueur du texte réglementaire prévu au dernier alinéa de l’article 673, les fonctions de syndic sont exercées par le greffier, et le tribunal peut, le cas échéant, les confier à un tiers… Les dispositions de la quatrième section du premier chapitre du deuxième titre du quatrième livre, relatives au comité des créanciers, ne s’appliquent pas aux procédures de redressement judiciaire ouvertes avant l’entrée en vigueur de la présente loi ». Cela signifie que les dispositions du dernier alinéa de l’article 669 susmentionné ne peuvent pas s’appliquer à la demanderesse de manière rétroactive, étant donné qu’il est établi que ces dispositions ne sont applicables qu’aux actions en cours, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, car l’action n’était pas en cours à la date de la promulgation de la loi n° 73.17. Ce qui est injuste, car la situation de la demanderesse était établie avant sa promulgation, et l’action ayant donné lieu au jugement de première instance est une nouvelle action, comme l’indique la motivation de l’arrêt attaqué. De plus, si la règle applicable en matière de conflit de lois dans le temps est l’application de la nouvelle loi à compter de la date fixée avant son entrée en vigueur, comme le prévoit l’article 2 de la nouvelle loi dans son quatrième alinéa, qui stipule expressément et précisément que ses dispositions entrent en vigueur à compter de la date de sa publication au Bulletin officiel, cette règle ne peut être écartée que si le législateur a prévu l’application de la nouvelle loi au passé, ce que la nouvelle loi susmentionnée n’a pas fait. L’article 669 du Code de commerce concerne une règle de fond, et il n’est pas justifié d’appliquer ses dispositions à l’espèce de manière rétroactive, étant donné que la jurisprudence est constante sur le fait que la non-rétroactivité de la nouvelle règle de droit signifie qu’elle ne s’applique pas aux faits et aux liens antérieurs à son entrée en vigueur, ni aux éléments constitutifs et extinctifs des statuts juridiques découlant de ces faits et liens, qui restent régis par l’ancienne règle, et que la nouvelle règle n’a pas d’effet pour… Par conséquent, la cour qui a rendu l’arrêt attaqué, en concluant au rejet de l’appel de la demanderesse sur la base des motifs susmentionnés et en acceptant l’action de la banque visant à rouvrir la procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la demanderesse, malgré sa contrariété avec un principe constitutionnel d’ordre public, à savoir la non-rétroactivité des lois, s’est fondée sur une motivation erronée et a mal interprété les dispositions de l’article 2 de la loi n° 73.17. Son arrêt n’est donc pas fondé et est susceptible de cassation.
Mais attendu que la loi n° 73.17 promulguée le 19 avril 2018 est entrée en vigueur à la date de sa publication au Bulletin officiel, soit le 23 avril 2018, et que la présente action visant à rouvrir la procédure de difficultés à l’égard de la société a été introduite le 21 octobre 2019, soit après l’entrée en vigueur de ladite loi. Par conséquent, la cour qui a rendu l’arrêt attaqué l’argument de la demanderesse fondé sur l’irrecevabilité de l’action de la banque a été rejeté par une motivation indiquant que « … il ressort de l’article 2 de la loi n° 73.17 du 19 avril 2018, qui abroge et remplace le livre V de la loi n° 15.95 relative au Code de commerce, que le législateur a adopté le principe de l’application immédiate de ladite loi, en prévoyant que ses dispositions s’appliquent à compter de la date de sa publication au Bulletin officiel aux procédures en cours, ainsi qu’aux affaires non en état d’être jugées, sans qu’il soit nécessaire de renouveler les actes et les jugements rendus avant son entrée en vigueur. En d’autres termes, elle s’applique même aux situations et aux statuts juridiques constitués avant son entrée en vigueur, à condition que ces situations fassent l’objet d’une affaire pendante devant le tribunal de première instance et non en état d’être jugée au moment de l’entrée en vigueur de ladite loi. Quant aux statuts juridiques qui ont été jugés par des jugements antérieurs, ils restent inchangés et ne nécessitent aucune modification. De plus, les voies de recours contre ces jugements restent soumises à l’ancienne loi. Ainsi, le législateur a résolu la question du conflit de lois dans le temps en matière de difficultés des entreprises conformément à ce qui précède, et il n’y a donc aucune raison de soulever le principe de non-rétroactivité des lois. L’arrêt attaqué ayant appliqué la loi n° 73.17 à l’affaire, il a implicitement rejeté l’argumentation de la demanderesse en cassation, la société. En effet, étant donné que la banque a introduit son action le 21 octobre 2019, après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, cette dernière est en principe applicable à l’affaire. Toutefois, les fondements de l’action et ses bases nécessitent des précisions. En effet, la banque appelante a fondé sa demande de réouverture de la procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société sur les irrégularités, les fraudes et la collusion commises par le syndic pour induire le tribunal en erreur lors de la clôture de la procédure, au motif que la créance de la banque était toujours en cours de vérification au moment de la clôture, ce qui lui a causé un préjudice après la distribution de l’excédent des actifs de la société aux actionnaires… Et tous ces motifs sont liés à un jugement antérieur rendu sous le n° 115 le 24 juillet 2017 dans le dossier n° 2017/8323/95, qui a ordonné la clôture de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l’égard de la société avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi. Ils ne peuvent être discutés que dans le cadre des voies de recours contre ledit jugement, telles qu’elles sont prévues avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, et non dans le cadre d’une nouvelle action visant à rouvrir une ancienne procédure en raison des irrégularités constatées lors de sa clôture. On ne peut pas non plus considérer que le jugement ordonnant la clôture de la procédure a un caractère provisoire, car il a l’autorité de la chose jugée, qui ne peut être remise en cause que par les voies de recours. De plus, lorsque le législateur a prévu l’exception relative à la réouverture de la procédure, il n’a en aucun cas mentionné l’annulation de la décision ordonnant sa clôture, mais a prévu sa réouverture par une nouvelle action et par un jugement rendu sous certaines conditions, principalement liées aux actifs de l’entreprise uniquement… ». Cette motivation a établi que les fondements sur lesquels repose la présente action ne peuvent être discutés que dans le cadre d’un recours contre le jugement n° 115 ayant ordonné la clôture de la procédure de liquidation judiciaire conformément aux dispositions légales antérieures à l’entrée en vigueur de la loi n° 73.17, et non dans le cadre d’une nouvelle action, considérant que la nouvelle loi est en principe applicable à l’action dont elle est saisie. Par conséquent, elle a appliqué la loi n° 73.17 avec effet immédiat à une action introduite après la date d’entrée en vigueur de la nouvelle loi, et cette position ne viole pas le principe de non-rétroactivité des lois. La mention du caractère provisoire du jugement ordonnant la clôture de la procédure de liquidation n’est qu’une motivation supplémentaire qui n’est pas indispensable à la régularité de l’arrêt. Le moyen est donc mal fondé.
PAR CES MOTIFS :
La Cour de cassation ordonne la jonction du dossier n° 2023/1/3/185 au dossier n° 2021/1/3/1465 et les réunit dans un seul arrêt, casse l’arrêt attaqué en ce qui concerne le pourvoi en cassation formé par la banque dans le dossier n° 2021/1/3/1465, renvoie l’affaire devant la même cour qui a rendu l’arrêt attaqué pour qu’elle statue à nouveau conformément à la loi, composée d’une autre formation, rejette le pourvoi en cassation formé par la société dans le dossier n° 2023/1/3/185 et condamne cette dernière aux dépens des deux dossiers.
32989
Redressement judiciaire : Application du principe de la liberté de la preuve commerciale (Cass. com. 2023)
Cour de cassation
Rabat
04/10/2023
32791
Liquidation judiciaire – Appréciation souveraine des juges en matière de fixation des honoraires du syndic (Cass. com. 2023)
Cour de cassation
Rabat
19/04/2023
وحدة الأعمال, Détermination des honoraires, Exigence de motivation, Liquidation judiciaire, Motivation suffisante, Principe de continuité, Procédure collective, Recours en annulation, Unité des actes du syndic, Contrôle de proportionnalité, التصفية القضائية, التقدير الشامل للمجهودات, الرقابة على التناسب, تحديد الأتعاب, طلب النقض, مبدأ الاستمرارية, مسطرة صعوبة المقاولة, وجوب التعليل, التعليل الكافي, Appréciation globale des diligences
32759
Procédure collective : Cassation d’une décision de vérification de créance pour défaut d’examen exhaustif des garanties hypothécaires (Cass. com. 2018)
Cour de cassation
Rabat
26/07/2018
Vérification des créances, Certificats d’inscription hypothécaire, Contrôle de la motivation, Créance chirographaire, Créance déclarée, Créance privilégiée, Défaut de base légale, Exigibilité des dettes, Extension de la liquidation, Cassation pour insuffisance de motivation, Garanties hypothécaires, Liquidation judiciaire, Preuve des créances, Preuve du caractère définitif de la créance, Procédure collective, Qualification de la créance, Syndic de liquidation, Titres exécutoires, Vérification de créances, Juge commissaire, Admission des créances
32724
Irrecevabilité de l’intervention de l’actionnaire dans la procédure de liquidation judiciaire pour défaut de qualité (C.A.C Casablanca 2024)
Cour d'appel de commerce
Casablanca
22/01/2024
نقص الأصول, Crédibilité du plan de continuité, Défaut de communication, Dettes sociales, Droits des actionnaires, Droits des actionnaires dans les procédures collectives, Insolvabilité, Insuffisance d'actifs, Intérêt direct, Intervention volontaire, Licences d’exploitation, Liquidation judiciaire, Obligations contractuelles, Conversion du redressement judiciaire, Procédures collectives, Syndic de liquidation, إجراءات التصفية القضائية, إجراءات جماعية, إعسار, تدخل إرادي, تسوية قضائية, تصفية قضائية, تمثيل قانوني, حقوق المساهمين, ديون اجتماعية, عدم تجديد الرخص, مصلحة مباشرة, Représentation légale, Actionnaires indirects
32719
Irrecevabilité du recours en appel à l’encontre d’une ordonnance de vente aux enchères des actifs d’une société en liquidation judiciaire (C.A.C Marrakech 2024)
Cour d'appel de commerce
Marrakech
04/12/2024
عدم قبول الاستئناف, القاضي المتذب, الطعن بالاستئناف, الشروط القانونية, التصفية القضائية, البيع بالمزاد العلني, أصول التصفية, Voies de recours restrictives, Vente des actifs de la société, Vente aux enchères publiques, Recevabilité de l'appel, Ordonnance du juge des référés, Liquidation judiciaire, Irrecevabilité de l'appel, Adjudication, Actifs de la société
32711
Refus de suspension de l’exécution provisoire : absence de préjudice irréparable et de motifs impérieux justifiant la suspension d’un jugement ordonnant la liquidation judiciaire (C.A.C Agadir 2025)
Cour d'appel de commerce
Agadir
07/01/2025
قبول الطلب شكلاً, Conditions d’arrêt d'exécution, Conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire, Exécution provisoire, Jugement frappé d'appel, Liquidation judiciaire, Plan de continuation, Procédure de redressement judiciaire, Rejet de la demande, Résolution du plan de continuation, Compétence juridictionnelle en matière de recours, Suspension de l'exécution, إضرار بالحقوق, إيقاف تنفيذ الحكم, اختصاص الرئيس الأول, الأحكام الإبتدائية, التصفية القضائية, الدفع بعدم الجدوى, الطعن بالإستئناف, عدم الأداء, Voies de recours, Chambre de conseil
32708
Procédure collective : Erreurs de gestion et extension de la liquidation judiciaire aux dirigeants malgré la cession des parts sociales (Cass. com. 2018)
Cour de cassation
Rabat
22/11/2018
وقف الدفع, Erreurs de gestion, Extension de la procédure collective, Faute dans la gestion, Fautes de gestion, Liquidation judiciaire, Obligation de responsabilité, Procédure de liquidation judiciaire, Responsabilité des dirigeants, Suspension des droits civiques, transfert de parts sociales, Engagement du cessionnaire, الأخطاء في التسيير, التزام المفوت له, العقوبات المتخذة ضد مسيري المقاولة, المسؤولية المدنية, تفويت الحصص, تمديد المسطرة إلى المسيرين, تمديد مسطرة التصفية أو التسوية القضائية إلى المسيرين, سقوط الأهلية التجارية, لا يتوقف التمديد على صيرورة الحكم القاضي بفتح المسطرة في مواجهة المقاولة نهائيا, مسطرة التصفية القضائية, الإخلالات في التسيير, Défaillance d’une société
32685
L’extension de la procédure de liquidation judiciaire aux dirigeants sociaux: Non-conformité des statuts et fautes de gestion (Cass. com. 2017)
Cour de cassation
Rabat
14/09/2017
مسؤولية المسير, Faute grave, Fautes de gestion, Force probante, Non-conformité des statuts, Non-déclaration des cotisations sociales, Prélèvement de fonds sans justification, Procédure de liquidation judiciaire, Extension de la procédure, Registre de commerce, Sanctions à l'encontre des dirigeants, Sanctions patrimoniales, أخطاء التسيير, تمديد المسطرة إلى المسير, سوء التسيير, صعوبات المقاولة تمديد التصفية القضائية إلى المسير, فتح مسطرة التصفية القضائية, Responsabilité des dirigeants sociaux, Détérioration de la situation financière
32616
Extension de la procédure de liquidation judiciaire et prescription triennale : clarification des délais en cas de résolution du plan de continuation et de conversion en liquidation (Cour Suprême 2011)
Cour de cassation
Rabat
24/03/2011
فسخ مخطط الاستمرارية والحكم بالتصفية, صعوبات المقاولة تمديد التصفية القضائية إلى المسير, تاريخ اقتراف الأخطاء المنسوبة للمسير, بداية احتساب التقادم, Responsabilité des dirigeants, Prescription extinctive, Plan de continuation, Liquidation judiciaire, Irrégularités financières, Extension au dirigeant, Créanciers, Calcul du délai de prescription