Réf
33220
Juridiction
Cour de cassation
Pays/Ville
Maroc/Rabat
N° de décision
1/306
Date de décision
29/05/2024
N° de dossier
2022/3/1/2127
Type de décision
Arrêt
Chambre
Commerciale
Mots clés
عقد إيجار ائتماني, رهن حيازي, دين عادي, Sûretés, Recouvrement de créance, Qualification de créance, Procédure de sauvegarde, Privilège, Gage, Extinction du gage, Créance privilégiée, Créance chirographaire, Contrat de crédit-bail
Base légale
Article(s) : 431 - Loi n° 15-95 formant code de commerce promulguée par le dahir n° 1-96-83 du 15 Rabii I 1417 (1 Aout 1996)
Article(s) : 345 - Dahir portant loi n° 1-74-447 du 11 ramadan 1394 (28 septembre 1974) approuvant le texte du code de procédure civile
Source
Cabinet Bassamat & Associée
La Cour de cassation a été saisie d’un pourvoi contre un arrêt de la cour d’appel ayant statué sur la qualification d’une créance dans le cadre d’une procédure de sauvegarde. Un établissement de crédit contestant la nature chirographaire de sa créance, au motif qu’elle devait être qualifiée de privilégiée.
Sur le moyen unique, le requérant soutenait que la créance, bien que découlant d’un contrat de crédit-bail, était garantie par un gage inscrit, lui conférant un caractère privilégié. La Cour de cassation a estimé que la motivation de l’arrêt d’appel, fondée sur l’application combinée du dahir régissant le crédit-bail automobile et des principes du droit des sûretés, était pertinente. Elle a jugé déterminante l’analyse de la cour d’appel selon laquelle l’extinction du gage, par la vente des véhicules, transformait la créance résiduelle en créance chirographaire, écartant ainsi l’argument du caractère privilégié. Ainsi, elle a estimé que cette motivation suffisait à rejeter ce moyen.
La Cour de cassation a, par conséquent, rejeté le pourvoi, confirmant ainsi l’arrêt de la cour d’appel qualifiant la créance de chirographaire.
Après délibération conformément à la loi :
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier et de l’arrêt attaqué que la société défenderesse a fait l’objet d’une procédure de sauvegarde, et que la société demanderesse a déclaré sa créance auprès du syndic désigné, Monsieur El Houssine, à hauteur de 377.802,81 dirhams à titre privilégié. Le syndic a présenté sa proposition visant à demander à la déclarante de fournir les tableaux des échéances relatifs aux dossiers 74335630, 74340410, 73354430. La société a également produit un mémoire indiquant qu’au moment où elle a déclaré sa créance, elle a intenté une action devant le tribunal de commerce de Casablanca demandant le paiement de 120.478,81 dirhams, montant restant dû après la vente des biens saisis. La déclarante a répondu qu’après avoir récupéré les trois véhicules faisant l’objet des contrats de crédit-bail et encaissé le produit de leur vente, la créance restante s’élevait à 120.478,81 dirhams. Après l’accomplissement des formalités, le juge commissaire a rendu une ordonnance admettant la créance déclarée à hauteur de 120.478,81 dirhams à titre chirographaire… La société déclarante a interjeté appel de cette ordonnance, et la cour d’appel de commerce l’a confirmée par son arrêt attaqué en cassation.
Sur le moyen unique :
La demanderesse fait grief à l’arrêt d’avoir violé l’application de l’article 4 du dahir du 17 juillet 1936 réglementant le crédit-bail des véhicules automobiles, violé l’application de l’article 431 du Code de commerce, violé la règle selon laquelle la loi spéciale déroge à la loi générale, violé l’application de l’article 345 du Code de procédure civile, et d’avoir rendu une motivation insuffisante équivalant à une absence de motivation et un défaut de base légale. Elle soutient que l’arrêt a confirmé l’ordonnance entreprise en se fondant sur l’article 431 du Code de commerce, qui relève des dispositions réglementant le crédit-bail, en considérant que la location de biens d’équipement, de matériel ou de machines permettant au preneur d’acquérir, à une date convenue avec le bailleur, tout ou partie des biens loués moyennant un prix convenu tenant compte d’au moins une partie des sommes versées, fait de la créance de la demanderesse en tant que bailleresse une créance chirographaire et non privilégiée. La demanderesse estime que cette interprétation est erronée et constitue une application sans fondement de l’article 431 précité, car il ne s’applique pas à cette situation particulière, conformément à la règle selon laquelle la loi spéciale déroge à la loi générale. Elle souligne que la loi spéciale applicable à cette situation est le dahir du 17 juillet 1936, que le législateur a consacré au crédit-bail des véhicules automobiles, ce qu’elle a invoqué dans son mémoire d’appel sans que l’arrêt attaqué ne réponde à cette argumentation, ni à son invocation de la règle selon laquelle la loi spéciale déroge à la loi générale. Elle ajoute que la preuve de la prévalence de la loi spéciale réside dans le fait que, conformément à l’article 4 dudit dahir, le prêt consenti pour l’achat d’un véhicule automobile est garanti de plein droit par un gage inscrit au centre d’immatriculation des véhicules, ce qui constitue une preuve irréfutable que sa créance est une créance privilégiée garantie par un gage, étant donné qu’il s’agit d’un gage inscrit au centre d’immatriculation des véhicules. Elle précise que la carte grise de chaque véhicule automobile dont le crédit-bail a été financé dans le cadre dudit dahir est établie au nom de la demanderesse en tant que financeur et bailleur. Par conséquent, l’arrêt attaqué a retenu une motivation erronée équivalant à une absence de motivation, et n’est pas fondé en droit, car il a appliqué l’article 431 et les articles suivants du Code de commerce, alors qu’il s’agit de règles générales figurant dans le Code de commerce, applicables de manière générale aux biens meubles et immeubles, et qu’elles n’incluent pas le crédit-bail des véhicules automobiles, qui reste soumis au dahir du 17 juillet 1936. Elle ajoute que l’absence de base légale de l’arrêt attaqué se manifeste également par sa violation d’une jurisprudence antérieure de la même cour qui l’a rendu, à savoir son arrêt n° 2083 du 20 décembre 2017 dans le dossier n° 2017/8313/424, bien que la demanderesse l’ait invoqué dans son mémoire d’appel et en ait joint une copie. Elle souligne que la cour qui a rendu l’arrêt attaqué n’a pas répondu à ce moyen, violant ainsi également la jurisprudence établie en la matière, et que son arrêt est insuffisamment motivé équivalant à une absence de motivation, et qu’il a également violé les règles relatives à la nécessité de recourir au raisonnement par analogie lorsque les conditions sont remplies. Elle précise qu’il est mentionné dans l’arrêt précité, à la page 3 et suivantes du mémoire d’appel, que la cour d’appel de commerce qui l’a rendu a donné la priorité à l’article 4 du dahir du 17 juillet 1936 en tant que règle spéciale dérogeant aux règles générales, et a également établi que la créance en question est une créance privilégiée. Elle affirme que ledit arrêt s’est fondé sur le raisonnement par analogie en se référant à un arrêt de la Cour de cassation française du 10 juillet 1996, à un arrêt de la cour d’appel de Montpellier du 16 mai 1994, et au dahir du 17 juillet 1936 réglementant la vente à crédit des véhicules automobiles. Elle souligne que la cour d’appel de commerce de Marrakech, lorsqu’elle a rendu sa jurisprudence susmentionnée, l’a expressément indiqué. Elle en conclut que la même cour, en s’écartant de sa jurisprudence antérieure par une motivation erronée et en appliquant une disposition légale générale qui ne s’applique pas à la situation particulière faisant l’objet du litige, et en adoptant une interprétation erronée contraire à la règle selon laquelle la loi spéciale déroge à la loi générale, a commis une erreur en modifiant et en contredisant sa jurisprudence sans fondement ni justification, en violation flagrante de ladite règle, ce qui a rendu son arrêt attaqué sans base légale et entaché d’une motivation erronée. La demanderesse affirme qu’elle l’a déjà expliqué dans son mémoire d’appel, sans que la cour qui a rendu l’arrêt attaqué n’y réponde, ce qui prouve que l’arrêt attaqué est fondé sur une violation et une mauvaise application des dispositions légales susmentionnées, et sur une motivation erronée équivalant à une absence de motivation. Elle ajoute que la qualification de la nature de sa créance déclarée au syndic, en tant que créance privilégiée et non chirographaire, relève du contrôle de la Cour de cassation en tant que question de droit. Compte tenu de ce qui précède, l’arrêt attaqué mérite d’être cassé.
Mais attendu que :
La demanderesse prétend que sa créance est garantie par un gage sur les véhicules, et que la créance garantie par un gage confère au créancier un privilège et une priorité pour recouvrer sa créance sur le prix de vente de la chose gagée, le privilège de la demanderesse ne porte que sur le prix de vente des véhicules. Or, il ressort des écritures de la demanderesse qu’elle reconnaît avoir récupéré les véhicules dont elle a financé l’achat, les avoir vendus et avoir recouvré sa créance sur le prix de vente, à l’exception de 120.478,81 dirhams qu’elle réclame, et que la vente des véhicules a eu lieu avant la réalisation du gage. Par conséquent, le privilège qu’elle invoque a été éteint par la vente des véhicules dont elle a financé l’achat dans le cadre du dahir du 17 juillet 1936, et par le recouvrement de sa créance sur le prix de vente. Le reste de sa créance est devenu une créance chirographaire. La cour qui a rendu l’arrêt attaqué a considéré que la partie de la créance qui reste due par la défenderesse est une créance chirographaire, elle a donc appliqué correctement les dispositions du dahir du 17 juillet 1936 ainsi que les dispositions réglementant le gage, et le moyen est donc mal fondé.
Par ces motifs :
La Cour de cassation rejette le pourvoi et condamne la demanderesse aux dépens.