Réf
33016
Juridiction
Cour de cassation
Pays/Ville
Maroc/Rabat
N° de décision
4/111
Date de décision
23/01/2024
N° de dossier
2023/4/1/3619
Type de décision
Arrêt
Chambre
Civile
Mots clés
مهلة قضائية, عقد قرض, حماية المستهلك, Qualité de consommateur, Protection du consommateur, Personne morale, Ordonnance de référé, Exclusion du champ d'application, Délai de grâce, Défaut de motivation, Crédit à la consommation, Contrat de prêt, Besoins non professionnels, Activité professionnelle
Base légale
Article(s) : 2 - 74 - 75 - 149 - Loi n°31-08 édictant les mesures de protection du consommateur
Article(s) : 345 - Dahir portant loi n° 1-74-447 du 11 ramadan 1394 (28 septembre 1974) approuvant le texte du code de procédure civile
Source
Cabinet Bassamat & Associée
La Cour de cassation a été saisie d’un pourvoi contre un arrêt de la Cour d’appel ayant annulé une ordonnance de référé accordant un délai de grâce pour le remboursement de prêts. La société demanderesse, spécialisée dans la location de véhicules, avait contracté des prêts pour l’achat de véhicules et, invoquant des difficultés économiques et des problèmes de santé de son dirigeant, avait demandé un délai de grâce.
La Cour de cassation a fondé son raisonnement sur les dispositions de l’article 2, alinéa 2, et de l’article 75 de la loi n° 31-08. Elle a rappelé que la qualité de consommateur, ouvrant droit à la protection de cette loi, est subordonnée à l’acquisition ou l’utilisation de produits ou de biens pour des besoins non professionnels. Elle a également souligné que les crédits destinés à financer les besoins d’une activité professionnelle sont expressément exclus du champ d’application de cette loi.
En l’espèce, la Cour de cassation a constaté que la société demanderesse avait contracté les prêts pour l’achat de véhicules destinés à son activité de location, soit à des fins professionnelles. Elle en a déduit que la société ne pouvait être considérée comme un consommateur au sens de la loi n° 31-08 et, par conséquent, ne pouvait bénéficier du délai de grâce prévu par l’article 149 de cette loi.
La Cour de cassation a, par conséquent, rejeté le pourvoi, confirmant ainsi l’arrêt de la Cour d’appel qui avait annulé l’ordonnance de référé accordant le délai de grâce. Elle a considéré que la Cour d’appel avait fait une application correcte des dispositions de la loi n° 31-08 en excluant les crédits professionnels de son champ d’application.
Après délibération, conformément à la loi :
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier et de l’arrêt attaqué n° 392 rendu par la Cour d’appel, que la société (la demanderesse) a, par requête en référé, saisi le tribunal de première instance de la même ville, alléguant avoir bénéficié de plusieurs prêts pour l’achat de véhicules auprès de la société (la défenderesse), et avoir cessé de payer les échéances en raison d’un déficit de gestion et du ralentissement économique causé par la pandémie de Covid-19. De plus, les deux véhicules, le premier de marque Hyundai immatriculé sous le numéro 15-B-16255, ayant fait l’objet d’un procès-verbal de la police judiciaire n° 1832 en date du 8 septembre 2021, et le second de marque Volkswagen Jetta immatriculé sous le numéro 15-B-10936, ayant fait l’objet d’un procès-verbal de la police judiciaire n° 228 SHQ/02 en date du 19 mars 2021, ont été impliqués dans des accidents de la circulation causés par les clients et sont devenus inutilisables, ce qui a aggravé la paralysie et l’entrave de son activité économique. De surcroît, son dirigeant garant a souffert de troubles psychiques affectant son état de santé, pour lesquels il a été traité et a consulté régulièrement le médecin traitant, le Dr. Benslimane Samir, comme en atteste le certificat médical qui a décrit les symptômes dont il souffre, lesquels confirment qu’il a besoin d’une assistance régulière pendant au moins un an à compter du 13 septembre 2022. Compte tenu des changements économiques que traverse la société et des troubles dont souffre son dirigeant, qui entravent son travail et son exercice normal de ses fonctions, entraînant un arrêt de travail d’environ un an à compter du 13 septembre 2022, elle a demandé qu’il lui soit accordé un délai de grâce jusqu’à la guérison du garant et propriétaire de la société, et au rétablissement de sa situation économique, pour une durée minimale de deux ans à compter du mois d’octobre 2022, et à titre subsidiaire, que le tribunal fixe la date de début du remboursement. Après l’accomplissement des formalités, le président du tribunal a rendu une ordonnance accordant un délai de grâce pour le remboursement des prêts conclus entre le demandeur Nabil, en sa qualité de représentant de la société, ou la société en la personne de son représentant légal, pour une durée d’un an à compter de la date du jugement, à condition qu’aucun intérêt ne soit appliqué aux montants dus pendant ledit délai de grâce judiciaire. La défenderesse a interjeté appel de cette ordonnance, et la cour d’appel a rendu un arrêt annulant l’ordonnance entreprise et statuant à nouveau sur le rejet de la demande, ce qui fait l’objet du pourvoi en cassation.
Sur le moyen unique :
Attendu que la demanderesse reproche à l’arrêt un défaut de motivation équivalant à une absence de motivation et une violation des dispositions de l’article 345 du Code de procédure civile, en ce qu’il a fondé son unique motif d’annulation du jugement de première instance, de statuer à nouveau et d’ordonner le rejet de la demande, sur le fait qu’elle est une société et non un consommateur, et ne peut donc bénéficier du délai de grâce judiciaire pour le remboursement des prêts. Or, cette orientation est contraire à l’article 2 de la loi sur la protection du consommateur, qui vise à la fois les personnes physiques et morales. Elle est une personne morale constituée par un propriétaire unique, à savoir le propriétaire et dirigeant de la société, qui en assure la gestion, et ne peut donc être considérée comme une société au sens réel du terme, en l’absence de partenaires dans les faits, conformément à ce qui est mentionné dans les statuts la concernant. D’autre part, cette même cour, composée du même collège et du même rapporteur, a rendu un arrêt confirmant le jugement de première instance qui lui accordait un délai de grâce judiciaire à l’encontre d’une banque, bien que la demande ait été présentée par la même partie et fondée sur les mêmes motifs. Cependant, la cour a confirmé le jugement de première instance accordant à la demanderesse le délai de grâce judiciaire, objet du dossier civil n° 156/1221/2023, arrêt n° 289/23 en date du 27 mars 2023.
Mais attendu que le deuxième alinéa de l’article 2 de la loi n° 31-08 édictant des mesures de protection du consommateur dispose que : « On entend par consommateur toute personne physique ou morale qui acquiert ou utilise, pour satisfaire ses besoins non professionnels, des produits ou des biens destinés à son usage personnel ou familial ». Le premier alinéa de l’article 74 de la même loi dispose que, sous réserve des dispositions de l’article 75, les dispositions du présent chapitre s’appliquent à tout crédit à la consommation, 1 considéré comme toute opération de crédit accordée à titre onéreux ou gratuit par un prêteur à un emprunteur… Et conformément à l’article 75 de la même loi, sont exclus du champ d’application de cette loi les crédits destinés à financer les besoins d’une activité professionnelle. Il en résulte que le bénéfice de cette loi est subordonné à la réalisation de la condition de consommation pour satisfaire des besoins non professionnels, que la personne consommatrice soit physique ou morale. La cour dont l’arrêt est attaqué, ayant constaté que la demanderesse, en sa qualité de société spécialisée dans la location de véhicules, a conclu des contrats de prêt pour l’achat de véhicules à des fins professionnelles, en a déduit qu’elle ne fait pas partie des personnes visées par la loi sur la protection du consommateur et n’a pas le droit de bénéficier du délai de grâce judiciaire prévu par l’article 149 de la même loi, a appliqué les dispositions légales susmentionnées de manière correcte et n’est pas tenue de se conformer à d’autres arrêts rendus par la même cour et qui seraient fondés sur d’autres bases.
Par ces motifs :
La Cour de cassation rejette le pourvoi et condamne la demanderesse aux dépens.